La municipalité ne s’en cache pas, la cible marketing du « point de vente collectif » prochainement aménagé dans l’Ancienne douane sont les bobos CSP+, qui n’ont pas forcément le temps d’aller au marché mais souhaitent consommer local et frais.
Pour répondre à la demande du « consommer mieux », douze agriculteurs alsaciens vont être sélectionnés par la Chambre d’agriculture. Dès la fin de l’année 2013, ils vont vendre leurs produits issus de douze gammes alimentaires différentes au rez-de-chaussée du bâtiment de l’Ancienne douane. Une sorte de mini marché couvert permanent, une première dans la ville, qui implique des travaux d’aménagements d’un coût de 600 000€. Cet endroit et le premier étage sont moins vétustes que les salles d’au-dessus puisque quelques expositions ponctuelles y étaient encore organisées jusqu’en janvier dernier (et notamment l’expo Thrill).
Tout est parti d’une étude demandée par la Ville pour évaluer le potentiel des circuits courts de consommation à Strasbourg. Ce mode d’achat ne tolère tout au plus qu’un seul intermédiaire entre les producteurs et les ménages, en opposition aux magasins d’alimentation et aux grandes surfaces. Les agences Blezat Consulting et ED Institut indiquent dans leur synthèse (à lire en bas de cette page) que les circuits courts « jouissent d’une aura très positive sur le territoire de la CUS », grâce à une bonne implantation de marchés anciens et à la présence d’exploitations agricoles en son sein. Une bonne nouvelle pour Roland Ries et son adjointe à l’environnement Françoise Buffet, qui avaient exprimé leur volonté de développer la consommation directe auprès des producteurs dans leur programme électoral en 2008.
Déjà 50 agriculteurs intéressés
La municipalité s’est associée à la Chambre d’agriculture pour sélectionner les producteurs agricoles qui installeront leurs cageots dans le futur espace de vente de 160 mètres carrés. Françoise Buffet détaille :
« Ils seront choisis sur leur capacité à produire suffisamment [pour le flux attendu] et sur leur proximité. Les agriculteurs de la CUS seront prioritaires, mais l’appel d’offre en cours est étendu à toute la région. Il y aura aussi des critères de qualité de type label rouge, mais pas forcément bio. »
Cinquante candidats ont déjà proposé leur production. La Chambre d’agriculture va devoir les départager pour trouver un maraîcher, un producteur de fruits, un producteur bovin et neuf autres spécialistes pour qui l’opportunité de vendre leur production en plein centre de Strasbourg serait grande. Les producteurs locaux se sont organisés depuis longtemps pour mettre à disposition leurs produits directement aux consommateurs en bout de chaîne. « Une quarantaine d’exploitations de la CUS pratique déjà la vente directe » explique Françoise Buffet. Mais les clients strasbourgeois leur échappent généralement car prendre sa voiture pour acheter son poulet dans un village n’est pas franchement chose courante.
Françoise Buffet envisage pour les agriculteurs de l’Ancienne douane la mise en place de prix compétitifs face à la concurrence des grandes surfaces. Sans le pourcentage des intermédiaires de la distribution, les produits pourraient être accessibles et auraient l’avantage d’être frais. Mais les discussions sont toujours en cours entre la commission des circuits courts de la Chambre d’agriculture et les exploitants intéressés pour définir les modalités exactes de la vente dans ce lieu.
Grossmann : « Ries ne montre pas d’intérêt pour la culture »
Si le projet peut paraître encore vague, il en agace déjà plus d’un. Roland Ries se prépare à « des débats » avec l’opposition au conseil municipal de lundi. Celle-ci souhaiterait que le lieu conserve la vocation culturelle qui l’anime depuis 1962, grâce à l’accueil d’expositions temporaires. Robert Grossmann, élu municipal du groupe UMP, Nouveau centre et indépendants, se dit « extrêmement déçu » par le choix de la majorité PS :
« Roland Ries dit que d’autres espaces consacrés à la création artistique existent ou verront le jour. Ils ne sont pas nombreux et destiner à l’Art l’entrepôt Seegmuller de la Presqu’île Malraux est surprenant. Pourquoi échanger alors que l’Ancienne douane est située justement en face du musée historique de la ville ? Monsieur le Maire ne montre décidément pas d’intérêt pour la culture. »
La crispation autour de ce projet est bien partie pour durer. Le deuxième volet de la refondation du bâtiment de l’Ancienne douane, construit en 1358, détruit par des bombardements en 1944 et reconstruit en 1965, consiste en l’implantation d’une série de mini-restaurants au premier étage. « A moyen terme », avance Roland Ries, l’Ancienne douane devrait prendre des airs de « Markethalle » fribourgeoise.
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