Depuis 20 ans, c’est le projet urbain phare à Strasbourg. L’idée : « Recoudre la ville » en lieu et place des anciens terrains portuaires et militaires, datant de l’époque où la France et l’Allemagne « se regardaient en chien de faïence » (Roland Ries). Sur 250 hectares, entre le quartier du Heyritz et Kehl, de l’autre côté du Rhin, les projets se comptent à la pelle et les grues s’élèvent un peu partout. Pour le plus grand plaisir du maire de Strasbourg, à qui l’on reprochait il y a quelques temps encore le manque d’initiative en matière de constructions. Là, on est servi !
A deux pas de la Grande mosquée de Strasbourg, du collège Pasteur et surtout du Nouvel hôpital civil (NHC), le futur quartier du Heyritz sera habitable fin 2013. Il comprend pas moins de cinq immeubles avec vue sur le canal, construits et commercialisés par Nexity. Tout les appartements sont déjà vendus – prix du mètre carré entre 2500 et 4000€. A cela s’ajoutent un parking (514 places, situé côté autoroute) et un hôtel Holiday Inn, ainsi que les sièges sociaux de CUS-Habitat et Habitation moderne (à proximité de l’Hôtel de police) et de la Caisse d’allocations familiale du Bas-Rhin. Un parc de 7,5 hectares est en cours d’aménagement et une passerelle reliant ce secteur aux Hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) et au centre-ville est également prévue.
Au môle Seegmuller : des appartements à 4600€ le mètre carré
Un peu plus loin, au-delà du parc de l’Etoile, de la Cité de la musique et de la danse et de Rivétoile, l’un des projets phares de ce nouvel axe structurant, demain peut-être le nouveau centre de l’agglomération transfrontalière : le secteur Malraux. Ici, on compte en « lots », au nombre de cinq. Le premier, c’est le silo en hauteur juste derrière la Médiathèque. Promis à un bel avenir de cité universitaire internationale, ce lot est encore loin de la consécration, puisque les travaux n’ont pas encore commencé.
Le second lot, c’est celui du troisième et dernier bâtiment de la presqu’île, déjà aux mains des équipes du promoteur Icade. D’ici 2014, c’est là que devraient se concentrer un grand nombre d’activités : restaurants, bars, salles d’expositions, bureaux et logements de grand standing, au-dessus. Avec sa structure des années 1930 et sa localisation en zone sismique, la mise en sécurité de ce bâtiment nécessite de nombreuses études et « fondations spéciales » (dixit le promoteur). Facture : 40 millions d’euros. Une note salée, mais qui vaut le coup, puisque 40% des 67 logements de la superstructure supérieure sont déjà vendus (4600€ du mètre carré…) et que la communauté urbaine de Strasbourg a promis de racheter 2000 mètres carrés de surface dédiée à la culture.
Le lot trois n’est autre que celui de la tour de 100 mètres devenue… trois petites tours de 50 mètres, en contrebas de la station de tram Winston-Churchill. Le jury qui doit rendre un avis sur les projets architecturaux se réunira d’ici quelques semaines. Les lots 4 et 5 concernent les espaces publics à aménager aux alentours.
Toujours vers l’Est, c’est ensuite l’écoquartier Danube qui sortira prochainement de terre. Et où est organisée une journée portes ouvertes le 7 juillet. Selon l’adjoint chargé de l’urbanisme Alain Jund, l’accent a été mis ici sur la mobilité (1400 arceaux à vélos sont prévus contre quelque 600 places de stationnement ; une station d’autopartage et des cheminements piétonniers sont planifiés…). Enfin, 50% des appartements seront des logements sociaux (dont 10% en accession sociale à la propriété) et un projet d’autopromotion immobilière est intégrée au quartier.
Le Brückhof, à la densité contestée
Passé les terrains de sport, toujours le long de la route du Rhin, le quartier du Bruckhof (Bouygues et Eiffage) est le plus impressionnant, de part sa densité [récemment dénoncée par Fabienne Keller, ex-maire de Strasbourg] comme par son état d’avancement. Là, on parle à nouveau de « couture urbaine, qui passe par une certaine masse » de bâtiments, d’environ six étages. Des terrasses spacieuses et des allées verdoyantes promettent néanmoins une certaine douceur de vivre, en plus à deux pas de la station de tram Aristide-Briand. Sur les 300 logements en construction (entre 2835 et 3100€ du mètre carré), trois seulement n’ont pas encore trouvé preneurs. Pour repère : les trois-pièces sont à 170 000€, les quatre-pièces à 224 000€.
Une fois passée les darses du port, c’est au quartier du Port-du-Rhin que sera situé un autre fleuron de l’axe des Deux-Rives, le quartier Rives du Rhin, plusieurs ensembles de logements le long du jardin… des Deux-Rives. Une partie des programmes immobiliers est lancée, tandis qu’une autre fait actuellement l’objet d’un concours d’architecture franco-allemand. L’idée, très belle sur le papier, est de faire de ce quartier – aujourd’hui excentré où 80% des logements sont des HLM – une entrée de ville (et de pays) cohérente et belle, avec une mixité sociale réelle [lire les deux parties de notre dossier sur le Port-du-Rhin : rénovation urbaine et misère sociale]. Un challenge loin d’être encore gagné.
Sur les 1,5 million de mètres carrés de SHON (surface hors œuvre nette) comptabilisés sur tout l’axe Est-ouest, 600 000 ont déjà été réalisés ou sont programmés. On peut d’ores et déjà s’interroger : est-ce le triomphe de la ville dense sur l’étalement urbain ? Ou bien celui des immeubles champignons des géants du BTP sur les espaces de respiration urbaine ? La question est ouverte.
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