Dimanche soir, invitée à l’occasion de notre soirée électorale, Pascale Jurdant-Pfeiffer, conseillère générale centriste du Bas-Rhin (canton Neuhof-Stockfeld à Strasbourg) bafouille, hésite et finalement… noie le poisson. Elle jure qu’elle ne sait pas encore pour qui elle va voter le 6 mai :
« Pour le deuxième tour, j’attends les consignes de François Bayrou. J’appartiens à l’alliance centriste de Jean Arthuis, qui a appelé à voter à droite. Mais moi, je n’ai encore rien décidé, ni Hollande ni Sarkozy ne me conviennent… »
Pourtant, cette élue de centre-droit a toujours été solidaire d’exécutifs menés par la droite classique, ou « républicaine » – par opposition à l’extrême droite. Ce fut le cas entre 2001 et 2008, alors que Pascale Jurdant-Pfeiffer est adjointe du tandem Keller-Grossmann. C’est vrai encore aujourd’hui, alors qu’elle soutient l’action de Guy-Dominique Kennel, président UMP du conseil général du Bas-Rhin.
Des élus centristes rangés derrière Nicolas Sarkozy
Et, à y bien regarder, à Strasbourg, tous les élus du centre – Alliance centriste, Gauche moderne, Nouveau centre – se sont rangés dans le camp de Nicolas Sarkozy. C’est le cas par exemple de Marc Merger, conseiller municipal ex-Modem, actuellement sans étiquette :
« Avec Bornia Tarall, nous sommes des anciens de l’UDF et adhérents du Modem des Législatives de 2007 aux élections régionales de 2010, à l’occasion desquelles nous avons appelé à voter Philippe Richert (ndlr : président du conseil régional et ministre des collectivités territoriales, ex-UDF, UMP depuis la création du Mouvement populaire). A ce moment-là, nous avons été suspendus et nous avions démissionné du Modem pour protester. Par la suite, nous sommes restés sans étiquette, dans l’espoir d’un rassemblement des centres. »
Il confie :
« Personnellement, j’ai voté Bayrou au premier tour et voterai Nicolas Sarkozy au second. C’est lui le plus à même de répondre aux problématiques de finances publiques que les centristes ont à cœur de résoudre. Et puis, historiquement, les centristes sont alliés à la droite traditionnelle. Surtout en Alsace. Nous avons des valeurs en commun. Je ne sais pas si le centre-gauche existe, et si oui, il est plutôt à trouver chez les sociaux-démocrates du PS. »
A Strasbourg, pas de rapprochement entre la social-démocratie et la démocratie chrétienne
Pourtant, en 2008, Marc Merger aurait approché Roland Ries « pour avoir une place sur [sa] liste », affirme le sénateur-maire PS de Strasbourg. Qui remarque par ailleurs :
« J’ignore s’il y a un micro-climat à Strasbourg, mais on est obligé de constater que ceux qui hésitaient un temps entre la droite et la gauche ont tous finalement rallié Nicolas Sarkozy. Ici, il n’y pas de rapprochement entre la social-démocratie, ce qu’on appelait la « deuxième gauche » à laquelle j’appartiens, et la démocratie chrétienne de Bayrou. Contrairement à d’autres villes, comme Lille autour de Martine Aubry. »
Ce qu’espère le maire de Strasbourg, c’est attirer vers François Hollande ces électeurs centristes, dont les votes se sont éparpillés suite à l’émiettement des appareils.
« Il nous faut aujourd’hui expliquer aux démocrates-chrétiens qui ont voté François Bayrou qu’ils ne peuvent pas trouver leur compte à l’UMP, compte tenu de la porosité, du rapprochement entre cette droite et le FN. Que les points communs entre eux et nous sont plus nombreux que ce qui nous sépare. »
C’est pour cela que le maire de Strasbourg, absent de la campagne locale car « très investi » auprès du candidat Hollande, compte être « plus présent dans les cages d’escaliers, place Kléber, à la gare… » dans les deux semaines à venir. Un calcul qui s’appuie sur une analyse donc, celle d’une demande des électeurs centristes à laquelle ne correspondrait plus aucune offre – à Strasbourg en tout cas – depuis 10 ans. Paul Meyer, conseiller municipal PS, juge… sévèrement :
« En 2002, par opportunisme, Fabienne Keller est passée de l’UDF à l’UMP et a gagné Strasbourg. Et puis en 2008, après la défaite (ndlr : et la scission avec le groupe de Robert Grossmann), elle a créé un groupe au conseil municipal, baptisé « Strasbourg au centre ». Or, selon moi, c’est juste une posture électorale, un masque pour ne pas effrayer les électeurs modérés qui ont peur de la droite dure. Aujourd’hui, l’offre centriste est morte à Strasbourg. Les centristes sincères et humanistes sont chez Roland Ries. »
La ligne de Bayrou : « Dépasser le clivage droite-gauche »
Des propos « suffisants et prétentieux », martèle Yann Wehrling, porte-parole national de la campagne de François Bayrou, n°2 sur la liste Modem aux Régionales de 2010, et ex-responsable national des Verts :
« S’il y a une demande d’une politique raisonnable, morale, qui préserve le modèle social, alors une offre se crée. Ceux qui imaginent être propriétaire de leur mandat, comme Catherine Trautmann en 2001, sont balayés et d’autres prennent leur place ! En Alsace comme ailleurs, ceux qui ont soutenu François Bayrou pendant cette campagne resteront sur sa ligne, qui est de dépasser le clivage droite-gauche. Nous interpellerons les deux candidats et écouterons ce qu’ils auront à nous répondre. Il n’est pas impossible que François Bayrou se détermine et chacun prendra ensuite ses responsabilités. »
Une chose est sûre, pour celui qui navigue depuis 20 ans dans les eaux troubles de l’écologie politique et du centre : « On se lasse de tout, même du clivage droite-gauche ». Selon les prévisions des observateurs, les électeurs du Modem et assimilés pourraient voter pour un tiers UMP et un autre tiers PS. Le dernier tiers préférant s’abstenir.
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