Son Buste d’homme accoudé observe les passants strasbourgeois depuis quelques semaines. « Nicolas de Leyde, un regard moderne », dit l’affiche. En effet, ce portrait sculpté paraît étonnamment contemporain. Il ne ressemble certainement pas à ce qu’on imagine de la sculpture médiévale. L’angle du corps, l’expression mélancolique du visage, les détails de la peau… Nicolas de Leyde (env. 1430-1473) est un inventeur de formes, un artiste majeur de son époque qui en a influencé beaucoup d’autres.
Et pourtant, qui a déjà entendu parler de lui ? A part les anciens étudiants de Roland Recht, l’un des commissaires de l’exposition, à la fac d’Histoire de l’art de Strasbourg et les fidèles du musée de l’Œuvre Notre-Dame… sans doute pas grand monde ! Strasbourg, où l’artiste a séjourné entre 1462 et 1467, répare cette injustice en lui consacrant, plus de 500 ans après sa mort, sa première grande exposition.
Certaines parties du linge ne font que deux millimètres d’épaisseur
Les œuvres présentées sont toutes exceptionnelles. « Chaque fois qu’il touche à un thème traditionnel, explique Roland Recht, il le modifie. » Dans l’Épitaphe du chanoine de Bussnang, réalisé pour la cathédrale, l’enfant Jésus est sacrément joueur : il tire d’une main sur le voile de sa mère, la Vierge Marie, manquant de faire basculer sa couronne, et attrape de l’autre les mains jointes du chanoine en pleine prière. « Il fallait être un sculpteur reconnu pour répondre ainsi à une commande ! », précise Roland Recht.
Les vierges reliquaires, genre on ne peut plus figé, réalisées par son atelier, sont d’un dynamisme inédit. Le Christ du crucifix de Baden Baden est quant à lui représenté en pleine majesté, les traits apaisés et la cage thoracique gonflée, indiquant une mort par asphyxie. Les veines des jambes et les plis de peau autour du clou qui retient les pieds sont d’une précision saisissante. Dans cette sculpture monumentale taillée d’un seul bloc, certaines parties du linge qui lui entoure ses hanches ne font que deux millimètres d’épaisseur…
Nicolas de Leyde montre aussi un grand « intérêt pour tout ce qui est profane, et ça, explique Roland Recht, c’est nouveau dans la sculpture ». Ces portraits sont d’une grande vivacité, comme ces deux têtes, seuls éléments subsistant du décor de la chancellerie de Strasbourg (bâtiment aujourd’hui détruit qui se trouvait sur l’un des côtés de l’actuelle Place Gutenberg), qui regardaient le visiteur quand il entre dans la cour. Et bien sûr son Homme accoudé, devenu ensuite un sujet à la mode.
Effervescence artistique créée par le chantier de la cathédrale
Avec Nicolas de Leyde, la sculpture devient réaliste, dans ses sujets comme dans la forme. Il y introduit le mouvement, saisit les expressions des visages comme personne avant lui. Ses audaces formelles ont inspiré de nombreux sculpteurs, notamment ceux venus à Strasbourg pour profiter de l’effervescence artistique créée par le chantier de la cathédrale. L’exposition du musée de l’Œuvre Notre-Dame le resitue dans son époque et révèle sa postérité, en présentant aussi des œuvres « impensables sans Nicolas de Leyde ». Une exposition étonnante et passionnante dans le plus beaux des musées strasbourgeois.
Y aller
Exposition jusqu’au 8 juillet, au musée de l’Œuvre Notre-Dame, 3, place du Château, du mardi au dimanche de 10h à 18h, nocturne le jeudi jusqu’à 20h – 03 88 52 50 00 – www.musees.strasbourg.eu
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