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Pour les protestants d’Alsace, ce sera à droite toute

Les protestants alsaciens se droitisent fortement et voteront majoritairement pour les candidats de droite à l’élection présidentielle. C’est ce qui ressort d’un sondage de l’Ifop pour l’hebdomadaire protestant Réforme. Pour les pasteurs, la lutte contre les idées d’extrême droite parmi leurs ouailles est devenu un combat de tous les jours.

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Pour les protestants d’Alsace, ce sera à droite toute

Le col du Croix, près d'Andlau (Photo Moedernens / FlickR / CC)

Si le second tour de l’élection présidentielle s’était tenu dimanche, 66% des protestants du Grand-Est auraient voté pour Nicolas Sarkozy. A ce niveau, c’est un plébiscite. Plus inquiétant, près d’un protestant sur trois (28%) donnerait sa voix à Marine Le Pen au premier tour. Ces chiffres sont issus d’une enquête de l’Ifop pour l’hebdomadaire Réforme.

Un score qui embarrasse  l’Union des Eglises protestantes d’Alsace-Lorraine (UEPAL), déçue et inquiète de voir près d’un fidèle sur trois tenté par le Front National. Un chiffre qui, pour Jean-Pierre Bastian, sociologue des religions à la faculté de théologie protestante de Strasbourg, s’explique essentiellement par le caractère rural et populaire du protestantisme alsacien. « Des catégories que drague particulièrement le Front National », rappelle Geoffroy Goetz, vice-président de l’UEPAL. Avant de convenir qu’« il y a encore un travail de fond à mener dans chaque paroisse par rapport au vote de l’extrême droite ».

En effet, force est de constater, que les préconisations de l’institution – qui dans une déclaration récente met en garde « contre les discours qui divisent la société en catégories et les opposent les unes aux autres », rejette « le culte de l’argent » et appelle à « de profonds changements » – ne sont pas vraiment suivies.

Peur d’une remise en cause du Concordat

Si la crise vient renforcer l’extrême droite, la remise en cause du concordat, texte symbolique s’il en est, serait à l’origine du très faible score atteint par le Parti socialiste (13%) et le Front de Gauche (3%). Une mesure mal vécue sur les bancs paroissiaux, assurent les pasteurs. « C’est effectivement une question qui revient souvent », confirme Ysard Thordardottiq, pastourelle islandaise de Saint-Pierre-le-Jeune à Strasbourg.

Pourtant, dans une lettre adressée aux responsables locaux des cultes, François Hollande assure que « bien loin de porter atteinte aux règles qui régissent, de façon particulière, les relations entre l’Etat et les cultes concordataíres en Alsace-Moselle, elles seront au contraire confortées dans leur spécificité, en se voyant reconnues au niveau constitutionnel ». Une précision trop tardive et discrète pour rassurer les ouailles.

De toute façons, le mal paraît plus profond. « Il y a une rupture entre la base paroissiale et l’institution ecclésiastique », assène Jean-Marc Dupeux, pasteur à Haguenau et ancien secrétaire général de La Cimade. « On ne parvient pas prendre en compte et à lever les peurs des personnes tentées par l’extrême droite », surenchérit-il. « C’est affligeant, c’est un constat d’échec, ça prouve que l’on ne prêche pas bien l’Evangile et qu’on ne fait pas bien notre boulot. »

« Je suis plutôt à gauche et mes paroissiens plutôt à droite »

« Je ressens cette tension au quotidien », confirme Gérard Janus, pasteur et fondateur du mouvement Comprendre et S’engager, qui  fait de la lutte contre le vote FN son cheval de bataille. « Pour dire les choses simplement, je suis plutôt à gauche et mes paroissiens sont plutôt à droite. Pour moi, ce sont les questions de justice sociale qui importent, pour mes paroissiens, ce sont plus celles de la liberté et de la responsabilité individuelles », constate le pasteur de Scharrarbergheim, fraîchement nommé.

Du coup, au quotidien, il est difficile pour les pasteurs d’aborder les questions de politiques dans leurs prédications ou lors des réunions paroissiales. « On n’en parle pas plus qu’autre chose, mais de toute façon je ne ressens pas le besoin d’en parler parmi mes paroissiens », souligne Ysard Thordardottiq. « Et même si le Front National m’effraie, ce n’est pas à moi de donner des consignes de vote. »

Encore faudrait-il qu’il existe un vote protestant. « On ne sait pas quels protestants ont été interrogés, conteste Geoffroy Goetz. S’agit-il des luthéro-réformés traditionnellement à gauche, ou bien des évangélistes, beaucoup plus conservateurs, notamment sur les questions de mœurs ? »

Et pour Jean-Pierre Bastian, les croyances religieuses ne dictent pas forcément les convictions politiques. Ainsi ce sondage peut simplement prouver que les protestants sont des Alsaciens comme les autres. « Ils votent comme le reste de la région, c’est-à-dire à droite », résume-t-il.

Pour aller plus loin

Les protestants sont-ils de droite ?, l’analyse de l’universitaire Jean-Paul Willaime sur le site de Réforme.
Télécharger l’étude de l’Ifop.
Les Protestants et la présidentielle, sur le blog d’Autheil


#Alsace

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