C’est une délibération du conseil municipal de Strasbourg dont Chantal Augé se souviendra longtemps ! Le 8 décembre, à l’occasion de l’examen d’un point technique proposant la relève d’un plafond des marchés publics, la création par Chantal Augé, élue de la société civile et adjointe aux marchés publics, de l’antenne locale d’Anticor, a provoqué un vif débat au sein du conseil municipal.
Créée une semaine auparavant avec Axelle Benamran (UMP), Caroline Ctorza (ancienne adjointe aux marchés publics, PS), Sandra Regol (EELV), Eric Schultz (EELV) et Marc Teychenné (MoDem), l’antenne bas-rhinoise d’Anticor devait s’inscrire dans le sillage de l’association nationale, créée en 2002 par Séverine Tessier et œuvrer pour la transparence dans l’action publique.
Manque de chance, ses collègues élus y ont plutôt vu une défiance à leur égard. Pour Roland Ries, la participation d’élus de sa majorité à cette association induit une suspicion de l’opinion publique vis à vis des autres élus (à 1h10mn de cette vidéo).
“Je ne pensais pas que la création d’Anticor67 déclencherait une telle vague d’hostilité, a expliqué Chantal Augé. Le but de cette association est d’avoir un rôle d’alerte, d’être dans la prévention. Nous ne sommes pas des juges et nous n’allons pas mettre en examen qui que ce soit…”
Et lundi 19 décembre, Chantal Augé est convoquée par le maire dans son bureau. Roland Ries lui demande de lui réaffirmer sa loyauté à l’égard de l’équipe municipale et de s’abstenir à l’avenir de toute expression publique ! Le maire remet à son adjointe une lettre qu’elle doit signer pour s’engager par écrit sur ces deux points. Chantal Augé refuse.
“Quand je lui ai parlé d’Anticor, le maire m’a répondu que ça n’avait rien à voir, explique-t-elle. Je lui ai envoyé une lettre (voir ci-dessous le document) pour lui réaffirmer ma loyauté mais dans laquelle je n’ai pas accepté de me taire.”
Immédiatement après avoir reçu cette réponse, Roland Ries a suspendu Chantal Augé de ses délégations (lire le communiqué), la révocation de son statut d’adjointe est votée lors du conseil municipal suivant, le 23 janvier, le divorce est complet.
Aujourd’hui simple conseillère municipale, mais toujours dans le groupe socialiste, Chantal Augé regrette d’en être arrivé là:
“J’étais une élue discrète. J’ai accepté les marchés publics, un domaine aride et technique dont personne ne veut. J’ai beaucoup apprécié ce travail, qui m’a donné une vision transversale de l’activité de la collectivité via ses achats.”
Accusée par le maire et d’autres élus d’être tatillonne, pointilleuse, d’avoir un côté “chevalier blanc” irritant, Chantal Augé réplique:
“Tout ce que veut un élu, c’est aller vite. Je gênais parce que je voulais respecter les règles. Lorsque je rédigeais une alerte sur une procédure qui aurait pu être délictueuse, on me répondait que la retravailler allait tout retarder de six mois, et que ce n’était pas acceptable. Sauf qu’au final, c’est ma signature qui était au bas des documents, et qu’en cas de procès, c’est moi qui me retrouve dans le juge, pas l’élu.”
En prenant les commandes des marchés publics lors du retour de la gauche en 2008, Chantal Augé s’est plongée dans le rapport de la chambre régionale des comptes de 2007 sur la collectivité.
“Les reproches les plus importants portaient sur les marchés dont l’enveloppe était inférieure à 200 000€. Je me suis donc concentrée là-dessus, jusqu’à ce qu’on retire ces marchés de mon champ de compétence en novembre 2010…”
Ambiance, ambiance…
“J’ai proposé que la CUS se dote d’un responsable de la commande publique, comme cela se fait à Lille et à Paris. Ce qui aurait permis des économies, car les achats auraient été effectués par des agents qui connaissent les prix. Actuellement, plus de 200 personnes achètent pour la CUS, dans des services différents. C’est impossible d’avoir une vision globale des marchés dans ces conditions. Mais cette réorganisation a été refusée.
J’ai aussi proposé au maire de créer une direction de l’audit, une inspection interne. Mais on m’a répondu que l’administration la percevrait comme une inquisition.”
Dans ces conditions, on comprend pourquoi Chantal Augé a rapidement été perçue comme une élue envahissante. On comprend mieux aussi ce qui a pu motiver sa participation à la création de l’antenne bas-rhinoise d’Anticor.
Pour aller plus loin
Sur Alsace 20 : voir l’interview de Chantal Augé
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