- Un mois après la saison sportive, quel bilan tirez vous de cette année ?
Soit on regarde le verre à moitié plein, soit à moitié vide. Comme je suis de nature optimiste, j’ai tendance à voir le verre à moitié plein. Nous avons remporté deux trophées, la Leaders Cup et Coupe de France, 30 victoires sur 34 en championnat et 11 sur 16 en coupe d’Europe. Mais on a raté deux marches : une défaite contre Saint-Pétersbourg en Eurocoupe (compétition de deuxième niveau ndlr), qui nous élimine alors qu’on pensait pouvoir aller loin dans cette compétition, et bien sûr la déception de la défaite en finale, la troisième de suite, parce qu’on perd le premier match à domicile. Je rappelle aussi que Limoges avait une masse salariale nette de 170 000 euros par mois, là où nous c’était 100 000.
- Comment se portent les finances du club ?
Le budget a augmenté. Nous avions annoncé 5,9 millions d’euros et on a fait 6,7 millions, grâce aux matches de play-off (phase finale ndlr), qui ne sont jamais comptés dans les prévisions. C’est plus que l’an dernier, 6,5 millions au total, où nous avions pourtant davantage d’argent des droits télévisés car nous jouions l’Euroleague (la compétition de premier niveau ndlr). Mais nous avons eu plus de partenariats et un Rhénus plus rempli.
« En France on est moins prêt à accepter de réunir culture et sport dans un même lieu »
Quand j’annonçais un objectif de 7 millions d’euros il y a deux ans, on me pensait irréaliste. L’objectif est maintenant de passer entre 8 et 10 millions à l’horizon 2020. L’an prochain, la masse salariale va augmenter de 1,2 à 1,45 millions d’euros nets.
- Et pour évoluer la SIG doit, selon vous, obtenir une nouvelle salle. Quel a été votre raisonnement ?
Cela fait un an que l’on y réfléchit. En 2014, les objectifs fixés à notre arrivée ont été atteints. Les comptes de 2010 ont d’abord été redressés en deux ans, (300 000 euros de déficit à l’époque), puis le club est arrivé dans les deux premières places de la hiérarchie du basket français, grâce à deux finales de suite. Nous avons défini un troisième objectif, qui est de devenir un club d’envergure européenne.
« La nouvelle salle reviendra un jour à la Ville »
En 2014, il était question de jouer un match au Zénith lors de la finale, car le Rhénus était occupé par de l’escrime. Cela ne s’était pas fait car nous avions perdu en trois manches, mais on s’était rendu compte que c’était possible. L’idée à germé qu’on pouvait y déménager, mais le délégataire, la société Vega, a refusé, en préférant avoir la priorité dans la programmation de concerts sur un club sportif. Contrairement à l’Allemagne, on est moins prêt à réunir culture et sport dans un même lieu et je le regrette. Le dossier Zénith s’est alors éteint.
L’important pour nous c’est d’avoir de meilleurs accueils VIP. Nous n’avons pas de loges, ce qui est pourtant une demande des entreprises, pour recevoir des clients au calme ou organiser des séminaires. C’est ça qui nous permettra d’avoir des revenus pour grandir. L’idée d’agrandir le Rhénus vient des services de l’Eurométropole. Mais elle n’a pas les moyens de payer ce nouvel équipement, alors j’ai proposé de changer de fonctionnement. La salle serait cédée à la SIG pour un bail de 20 à 30 ans. Le club finance les travaux et assure l’exploitation, mais cela revient un jour à la collectivité. C’est une formule nouvelle en France.
- Quelle forme prendra-t-elle ?
Pour le budget, nous fixons un plafond de 20 millions d’euros. Pour avoir de l’argent extérieur, on propose à une marque de donner son nom à la salle, pour financer une partie des travaux. C’est ce que l’on appelle le naming, qui très développé en Allemagne, mais aussi en France : Park & Suites à Montpellier, Kinder à Rouen ou Allianz Arena à Nice (football), même si tout le monde va citer la MMArena au Mans, qui est un échec. Ici, il peut s’agir d’une nouvelle salle ou d’un agrandissement du Rhénus existant.
Le financement viendrait pour moitié du naming du sponsor, un quart par la SIG qui paie son loyer et un quart par la location de la salle pour différentes manifestations. À partir du moment où on fait des travaux, il est aussi question d’augmenter le nombre de places et atteindre entre 8 à 10 000 places, contre 6 000 aujourd’hui. On va regarder si l’équipement peut être modulable, mais c’est trop tôt pour un parler.
Le maire est très favorable à l’extension du Rhénus actuel, car cela apporterait de la vie au futur quartier d’affaires international du Wacken, où il y aura aussi des logements. Autour de la salle, il y aurait des espaces ouverts toute l’année : restaurants, salle de sport, boutiques, etc. Ce serait un lieu de vie en dehors des soirs de matches. Il faut qu’en mai/juin 2016 on soit fixé sur ce projet. Soit on le fait, soit on le fait pas. Mais si ça échoue, on aura du mal à progresser, car il n’est pas question de multiplier le prix des billets par deux.
Après nos premiers contacts, l’idée du naming n’est pas un repoussoir. Il faut que ce soit une entreprise de dimension nationale ou européenne, comme les retombées associées. J’aimerais qu’un partenaire s’engage pour 10 ans, là où elles préfèrent une visibilité sur 5 ans. Ce qui attire, c’est Strasbourg avant tout et aussi parce que la SIG a de bons résultats en ce moment. Il faut que l’on arrive à mieux vendre Strasbourg aux opérateurs privés. Le président de l’Euroleague l’a déjà dit publiquement, il y a quatre villes en France qui l’intéressent : Paris, Lyon, Marseille et Strasbourg. Marseille n’a pas de club, à Paris le projet est encore flou et Lyon (l’ASVEL) n’a pas encore de résultats à la hauteur des objectifs annoncés. Strasbourg peut devenir l’un des 20 plus grands clubs européens.
- Comment voulez-vous faire évoluer la gouvernance de la SIG, qui était en crise à votre arrivée ?
Dans le basket européen, il y a trois modèles économiques. Celui des mécènes, le club omnisport, et le club territorial. Le mécène, c’est Armani à Milan, les armateurs grecs à Athènes, l’énergie à Kazan. En Alsace, il n’y en a pas et le jour où un descendant veut s’arrêter tout s’écroule, comme la Montepaschi à Sienne ou Kinder à Bologne. Le club omnisport, j’y suis favorable, mais cela reste très dépendant du foot : le FC Barcelone, Real de Madrid, le PSG avec le handball, CSKA Moscou, Saint Peterbourg, Bayern Munich etc. Ce n’est pas d’actualité à Strasbourg. La notion de territoire est importante pour moi. J’ai voulu développer cet aspect ici, car c’est la seule solution qui s’offre à nous.
« La SIG appartient à tout le monde »
En 2010, il y avait une crise de gouvernance suite à une privatisation ratée. Notre constat, c’est qu’il est dangereux que le club appartienne à une personne ou un petit groupe d’individus. Contrairement à un club de football, une équipe de basket ne se vend pas, on ne fait pas de plus-value, on ne vend pas les joueurs. On a alors recomposé le club autour de ceux qui paient : le public, les entreprises et les collectivités.
On a d’abord créé SIG & Territoire qui a permis à 550 personnes de souscrire à une action de 100 euros, un peu sur le modèle des socios en Espagne, à faible échelle. C’est le principe un « homme égal une voix », comme dans le statut coopératif qui marche bien en Alsace. Sig & Territoires détient aujourd’hui 12% de la SIG. Cela n’a pas vocation à être majoritaire, mais leur président siège au conseil de surveillance. S’il y avait des dérives, les supporters seraient informés. Je leur présente les comptes tous les ans. C’est un contre-pouvoir.
« Nous avons réuni les conditions d’une privatisation apaisée »
Après, on a crée Sig & Entreprises. Aujourd’hui, 35 entreprises ont souscrit à une part de 5 000 euros et détiennent 36% du capital, sur le même principe : une part et une voix chacun. Enfin, les trois collectivités (Ville de Strasbourg, Eurométropole et Ville d’Illkrich) se répartissent 50% et quelques du club pour que l’on reste une société d’économie mixte (SEM). Mais le premier actionnaire individuel, c’est SIG & Entreprises, qui progressivement va devenir majoritaire et racheter les parts des collectivités. Ce sont les conditions d’une privatisation apaisée. Tous les décisionnaires seront là depuis plusieurs années.
Il n’y aura pas de personne ou d’entreprise qui dira « le club est à moi ». Le conseil de surveillance peut me virer dans la seconde et c’est très bien comme ça. La SIG appartient à tout le monde.
Enfin, on a aussi ajouté SIG & bénévoles, c’est une association de 80 personnes, qui reçoit une petite dotation du club. Tous les clubs fonctionnent avec des bénévoles et nous devons nous appuyer dessus. Ils sont « rémunérés » en billets, deux par matches. En échange ils préparent la salle, s’occupent de l’accueil. Il faut conserver ces valeurs, on peut d’ailleurs encore progresser là-dessus. C’est ce qui concrétise la formule « la SIG appartient à tout le monde ». L’idée c’est que partout il y ait un peu plus de professionnalisme avec un ensemble de structures pour que les responsabilités de chacun soient identifiées.
- Comment doivent évoluer vos rapports avec les collectivités qui font face à des difficultés budgétaires ?
Depuis que je suis là, les subventions publiques n’ont pas augmenté. Ce n’est pas le rôle des collectivités de financer le sport professionnel et de participer à notre augmentation de budget. Mais la loi les autorise à soutenir les clubs de quatre manières : par le centre de formation, en achetant des espaces publicitaires – et on fait un prix – , en achetant des places pour les employés ou les élus, et en indemnisant les actions citoyennes du club, c’est-à-dire quand on visite les clubs de jeunes. S’il n’y avait plus ce dispositif, on le ferait encore, mais moins. C’est important de maintenir ces moments. C’est aussi l’intérêt des collectivités : l’an dernier, nous avons été le club de basket le plus télévisé de France.
C’est important que les engagements de chacun soient tenus. Avec le conseil général du Bas-Rhin (devenu conseil départemental), nous avions toujours une subvention de 198 000 euros pour le centre de formation. En novembre, on nous dit que seule la moitié de la somme sera versée. En décembre on reçoit 55 000… Nous, on a maintenu nos engagements, les panneaux publicitaires, les places pour les élus, les VIP, etc. J’en parle car je suis un peu le porte-voix des petits clubs, qui n’ont pas la même médiatisation mais connaissent les mêmes difficultés. Je ne sous-estime pas une seule seconde les difficultés du Département à financer les minimas sociaux, mais je n’ai pas apprécié la méthode. Il eut fallu nous prévenir avant et nous aurions trouvé une solution, car nous présentons nos budgets à la ligue en mai. Si nous avions perdu en quart de finale, nous aurions été en déficit.
- Quels sont vos rapports avec les autres clubs professionnels de la région ?
Nous nous voyons souvent avec Marc Keller, le président du Racing. Je crois qu’il n’y a jamais eu d’aussi bonnes relations. On est conscient qu’on n’a pas le même public. Quand la Meinau était pleine pour le dernier match de la saison, on faisait quatre fois 6 000 personnes au Rhénus. Tous les clubs ont vocation à valoriser leur territoire. Avec l’Étoile noire de hockey, on loge ensemble nos jeunes les week-ends. Sélestat a joué des matches de handball chez nous. Il y a juste le rugby avec qui on a pas de relation, mais parce que l’opportunité ne s’est pas présentée. Et il y a Souffelweyersheim notre petit frère, en deuxième division de basket. On leur a donné des coups de main. D’ailleurs nous venons de leur prêter un jeune joueur, Anthony Labanca, où il aura l’occasion de davantage jouer qu’ici.
Quand les autres clubs nous posent des questions sur comment on fonctionne, on y répond. J’avais songé à faire une association des clubs de haut niveau en Alsace, mais il faut s’en occuper, ce n’est pas la priorité. Le développement de chaque club n’en est pas au même point.
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : nos grands entretiens
Sur Rue89 Strasbourg : La SIG veut un sponsor pour une nouvelle salle
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