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GCO ressuscité : la droite exulte, Roland Ries s’aligne

Jeudi après-midi, les deux inspecteurs généraux, missionnés par l’État pour trancher sur l’opportunité ou non de construire une nouvelle autoroute pour contourner Strasbourg, ont rendu leur rapport avec plusieurs mois de retard. Comme le laissaient entendre les responsables politiques de tous bords, ils préconisent la création d’un GCO lifté, rebaptisé… A35. La droite exulte, Roland Ries s’aligne.

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L’A35, engorgée aux heures de pointe, fluide le reste de la journée (Photo Pascal Bastien)

Si la nouvelle n’était une surprise pour personne, elle n’en a pas moins fait l’effet d’une bombinette. Les deux inspecteurs généraux du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD), Jean Panhaleux et François Renvoisé, ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts, ont dévoilé les conclusions de leur rapport d’expertise sur « les déplacements dans la périphérie de l’agglomération strasbourgeoise ». Commandé en novembre 2012 par le ministre des transports Frédéric Cuvillier, ce rapport devait être rendu 4 mois plus tard. Daté finalement de septembre 2013, il a mis deux mois à sortir, preuve de la tension politique autour du projet.

Pas vraiment moins cher, pas vraiment réduit

Que préconisent ces deux experts au « monolithisme disciplinaire », issue de « l’oligarchie du béton », comme le dénonce depuis plusieurs mois Alsace Nature ? Et bien, « dans le cadre de la DUP [ndlr, déclaration d’utilité publique signée en 2008 par le Premier ministre UMP François Fillon, qui court jusqu’en 2018], la création d’une nouvelle autoroute strictement adaptée aux besoins », sur 2×2 voies de circulation au lieu de 2×3 voies, « ce qui rendra le financement plus facile, continue Jean Panhaleux, et permettra de requalifier l’A35 pour une utilisation plus cohérente » limitée au trafic local. Cette création devra s’accompagner d’un renforcement des modes alternatifs à la voiture individuelle pour limiter le trafic pendulaire.

Pour les deux ingénieurs, dont le rapport reprend des simulations de trafic à l’horizon 2025, le GCO, renommé A35 – l’actuelle A35 étant dans la foulée débaptisée – épongera 14% du trafic global, 24% du trafic poids lourds et 15 à 20% du trafic aux heures de pointe. Il s’agira d’une autoroute à péage, confiée à concessionnaire qui financera tout ou partie de l’investissement, dont on ignore le montant. Le projet Vinci, abandonné en 2012, était évalué à 750 millions d’euros. Le nouveau GCO pourrait coûter « 50 à 80 millions d’euros moins cher », pour une emprise très légèrement réduite de 300 à 280 hectares, suivant un tracé identique.

Roland Ries, mal à l’aise

Un nouveau projet ? Seul Roland Ries, qui s’est toujours positionné publiquement contre cette infrastructure, veut le faire croire. Le maire PS de Strasbourg, qui s’est exprimé hier aux côtés de ses adversaires politiques UMP Philippe Richert, président de la Région Alsace, et Guy-Dominique Kennel, président du conseil général du Bas-Rhin, a eu du mal à prouver qu’il n’était tout simplement pas en train de retourner sa veste. Il a rappelé :

« Ce rapport a été commandé parce qu’il y avait débat. Il est le plus objectif possible, mais je rappelle qu’il n’est pas décisionnel. Ma position n’a pas varié, je pense toujours que le GCO n’est pas le remède miracle à l’engorgement de l’A35 à Strasbourg. Il n’est qu’un élément de la réponse à apporter. Le projet tel qu’il était a abouti à l’impossibilité pour Vinci de réaliser son closing financier. Ce nouveau projet moins ambitieux et plus abordable va dans le bon sens. Ce rapport est une base de travail fort précise et intéressante sur une problématique complexe, délicate, voire sensible. Maintenant que l’on a ce regard extérieur dont nous avions besoin, nous devons nous saisir de cette question dans une certaine urgence. »

De gauche à droite, François Renvoisé et Jean Panhaleux, le préfet de région Stéphane Bouillon, Roland Ries, Philippe Richert, Guy-Dominique Kennel – jeudi 21 novembre 2013 (Photo MM / Rue89 Strasbourg)

Satisfaction de Richert, lapsus de Kennel

Voilà qui a dû faire plaisir aux responsables de la Chambre de commerce et d’industrie qui mènent une campagne extrêmement active, notamment auprès de Roland Ries, depuis un an pour ramener à la vie ce GCO en état de mort clinique. Il n’était d’ailleurs pas anodin que des représentants de la CCI soient hier présents à l’Hôtel du préfet pour le dévoilement du rapport, tandis que les membres du collectif « GCO – Non merci » étaient eux cantonnés devant les grilles de la place du Petit-Broglie…

Prenant la parole après le maire de Strasbourg, Philippe Richert, pro-GCO de la première heure, a martelé que ce rapport ne faisait « que reprendre les choses telles qu’elles étaient [analysées] déjà à la fin des années 1990 et au début des années 2000 ». Il a continué :

« Tout ça n’a pas trop changé… La complémentarité avec les transports en commun, ce n’est pas nouveau ! Oui, ce travail a été fait ! Au delà du fait qu’on a pris 18 mois de retard suite à une décision politique du ministre des transports, les évolutions que vous proposez, je m’y rallie. »

Strasbourg paiera pour la requalification de l’A35

A ses côtés, Guy-Dominique Kennel a enfoncé le clou, démarrant néanmoins par un lapsus : « [Je vous félicite parce que] vous n’avez pas eu dès le départ une approche impartiale (sic). Vous confirmez la pertinence de l’infrastructure ». Le président du CG 67 a néanmoins interrogé les inspecteurs sur deux points, sur le devenir de l’A35 requalifiée d’abord. L’autoroute ainsi transformée « en voirie départementale ou communautaire » devant être entretenue aux frais d’une des deux collectivités, CG ou CUS, mais laquelle ?

Sur ce sujet central pour Strasbourg, puisque cette requalification est la seule avancée pour la municipalité dans cette affaire, les inspecteurs n’ont pas donné de réponse. Seule information : préconisée par le rapport alors qu’elle n’était pas formellement actée auparavant, cette requalification sera « phasée » car elle coûtera très cher, selon Roland Ries. Les négociations sur la clé de répartition du financement se dérouleront dans les tous prochains mois.

Ecotaxe, grand hamster, pic pétrolier…

Deuxième interrogation de Guy-Dominique Kennel : le réalisme de simulations de trafic en 2025, envisagées dans le cadre de la mise en place de l’écotaxe, aujourd’hui repoussée sine die. Réponse escamotée hier. On peut néanmoins imaginer que si la taxe poids lourds, à l’origine de la mobilisation des « bonnets rouges » bretons, n’est pas en place en 2018, date de mise en service espérée du GCO par Philippe Richert, le trafic pourrait être plus important que ne le prévoient les simulations, annulant de fait l’effet désengorgeant de cette nouvelle autoroute à péage.

Quelques militants d’Alsace Nature et membre du collectif GCO Non merci, devant l’hôtel du préfet hier (Photo MM / Rue89 Strasbourg)

C’est l’un des arguments avancés par les opposants au GCO, catastrophés hier. « Aspirateur à bagnoles », « projet du XXème siècle », « court-termisme », « couleuvre »… La résurrection du GCO a fait sortir de leurs gonds associations de protection de l’environnement et écologistes. Pour eux, le GCO/A35 ne réglera rien, il ne fera qu’accélérer l’augmentation du trafic « tant qu’il y aura du pétrole disponible à un prix abordable », sans régler les problèmes pendulaires, sacrifiant au passage 280 hectares de terres agricoles et rabotant encore un peu l’aire de répartition du grand hamster. Dans un communiqué, Stéphane Giraud, directeur d’Alsace Nature, et Maurice Wintz, son président, déplorent de concert :

« Les conclusions de ce rapport étaient écrites dès le départ et la rencontre avec les dits experts n’a fait que confirmer nos craintes sur le sujet. Il faut faire un barreau routier Nord-Sud, qu’on va tenter d’euphémiser. Mais du béton reste du béton, quel que soit son enrobage. Il n’est pas étonnant que des ingénieurs des Ponts proposent de construire des routes. D’ailleurs, ceux-ci l’ont même dit lors des entrevues : leur mission n’est pas d’analyser le contexte économique et/ou environnemental mais uniquement le volet transport.

[Par ailleurs] la France reste sous le coup d’une condamnation pour non-respect de ses engagements européens dans la conservation du grand hamster, le dossier est ouvert auprès de la convention de Berne et une pétition est toujours en cours au sein du parlement européen. Tout cela pourrait conduire à aggraver la situation de l’Etat français en matière de contentieux européen [ndlr, et lui valoir de lourdes astreintes financières en cas de seconde condamnation]. (…)

Nous constatons que dans un même mouvement le gouvernement et l’opposition remettent en question l’écotaxe et relancent le GCO. Quelle belle unité dans la fuite en avant ! On ne peut pas faire mine de s’inquiéter du changement climatique et poursuivre des politiques de ce type. (…) Le GCO pourra devenir le symbole de la cécité de nos dirigeants, et surtout des petits calculs à court terme, des intérêts des groupes de pression « économiques » et des politiques qui leur sont inféodés. »

Les écolos interpellent le gouvernement

Dureté des propos également chez les élus écologistes. Jacques Fernique, responsable régional d’Europe Écologie – Les Verts, assure que son parti a interpellé dès hier soir le gouvernement pour qu’il « clarifie cette remise en cause du rapport Duron, dont les arbitrages ont été confirmés cet été par Jean-Marc Ayrault », enterrant le GCO. Il continue :

« Ce nouveau rapport, qui contredit le précédent, est-il un leurre pour faire plaisir aux milieux économiques et aux élus, ou est-ce que le gouvernement a vraiment changé d’avis, ce qui ferait de lui une girouette complète ? Nous maintenons que c’est une erreur de faire cette autoroute, surtout alors que nous sommes en pleine négociation du volet transport du contrat de plan État-Région pour 2014 à 2020. Si on met de l’argent public là-dedans, on n’en mettra ni sur l’étoile ferroviaire de Mulhouse, ni sur le recalibrage de la gare de Strasbourg, pour qu’elle puisse accueillir plus de TER, TER200, fret, TGV, etc. »

Selon le préfet Stéphane Bouillon, les appels d’offres pour la mise en concession du GCO relifté pourraient être lancés début 2014. Une fois les recours purgés et les terrains acquis, les premiers coups de pioche pourraient être donnés dans un an. Inauguration entre 2018 et 2020. Le feuilleton continue.

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