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Revenus de Rio, des bénévoles alsaciens racontent leurs Jeux Olympiques

Il faut beaucoup de motivation pour être sélectionné parmi les bénévoles des Jeux olympiques. Revenus en Alsace après deux semaines à Rio, trois volontaires racontent leurs meilleurs moments et leurs petites galères.

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Ils ont des étoiles dans les yeux dès qu’ils en parlent. Ils ont participé aux Jeux olympiques de Rio en tant que… bénévoles. Intégrer l’équipe des quelques 45 000 petites mains des Jeux Olympiques n’a rien d’une formalité. Quelques jours après la fin des épreuves, Jérôme Tschupp, Caroline Reys, Daniel Ackermann, trois Alsaciens, racontent leur expérience.

Une sélection sur plus d’un an

Leur candidature, ils l’ont envoyée fin 2014. L’idée vient d’un e-mail de la fédération de volley pour Caroline Reys, une annonce sur la page Facebook des JO pour Jérome Tschupp, et l’envie de viser plus haut après avoir participé à l’organisation des championnats du monde de pétanque à Marseille pour Daniel Ackermann.

L’intégralité du site est en anglais. La sélection commence par des tests de langue « difficile en anglais, plus facile dans les autres langues que j’avais mises, allemand et italien. » Pour Caroline Reys, écrivaine publique et élue au conseil municipal de Sélestat, ce mode de sélection fait un premier tri :

« Il faut une certaine maîtrise informatique, d’outils comme les tchats et les vidéos en ligne, ainsi qu’une bonne maîtrise de l’anglais. Cela se répercute sur le profil des volontaires, assez homogène : des personnes qui font fait des études, jeunes et qui ont voyagé dans leur vie. »

Caroline Reys avec d’autres bénévoles à l’épreuve de cyclisme, sur un spot paradisiaque. (doc. remis)

Des tests de comportement

Une fois les tests, voire les cours, de langue en ligne terminés, place aux tests de personnalité par questions à choix multiples (QCM). Les candidats se voient attribuer des points de « sympathie », notamment après qu’on leur demande comment ils réagiraient dans certaines situations : que dire à une personne si elle ne veut pas être assise à côté d’homosexuels ? Que faire si quelqu’un vient vous parler en espagnol mais que vous ne savez que dire « Holà », etc. ?

« J’ai dû avoir moins de points de sympathie que d’autres, puisque j’ai été plus tard affectée à l’organisation des courses, là où certains étaient avec la relation au public », se fait la réflexion a posteriori Caroline Reys.

À Rio, les bénévoles et membres du staff étaient répartis selon quatre catégories pour autant de couleur de t-shirt : l’organisation des compétitions (en jaune), l’accueil au public (en vert), les médecins et leurs aides (en rouge) et l’arbitrage (en bleu).

Jerome Tschupp a vu les mystérieuses eaux vertes de la fosse à plongeons au plus près (doc. remis)

Une convocation qui se fait attendre

Dernière étape, des vidéoconférences à 10 ou 15 de différents pays, où il faut trouver un slogan et gérer des situations, le tout encore en anglais. À travers la webcam, il n’est alors pas toujours facile de prendre la parole au milieu d’anglophones. La sélection s’étend jusqu’à décembre 2015, où enfin ils apprennent qu’ils sont sélectionnés et donc leur domaine d’action (mais pas le site précis).

Ils peuvent alors bloquer leurs dates, mais doivent attendre une lettre définitive, où le lieu d’affectation est révélé. Et là, l’attente a été beaucoup plus longue que prévue : attendue le 13 décembre, le courrier est sans cesse repoussé : au 23 décembre, puis à janvier, au 29 février, à avril et ainsi de suite… Procédure habituelle ou manque de préparation spécifique à l’édition de Rio ? Comme c’était leur première fois, ils ne savent pas. Jérome Tschupp l’a reçue fin mai, Daniel Ackermann et Caroline Reys… fin juin.

Le bonheur une fois à Rio. Se prendre en photo avec les arceaux est un grand classique (doc. remis)

Entre temps, le mari de Caroline Reys, chirurgien qui devait rejoindre l’équipe médicale, ne reçoit pas le fameux sésame. Déçu, il prévoit d’autres congés, mais reçoit son affectation au stade olympique quelques jours plus tard. Tant pis, « la tête n’y était plus » depuis que son épouse a reçu sa lettre et qu’il l’imaginait partir sans lui.

Pendant ce temps, les francophones échangent sur leurs expériences et leurs incertitudes, en particulier sur l’application de messagerie « Whatsapp » dans un groupe spécifique. Certains s’organisentpour réserver des logements ou même pour négocier un prix de groupe auprès de la Lufthansa, après qu’Air France ait refusé. Logement et frais de transport sont à la charge des bénévoles. Pour cette raison, certains prennent leur billet avant la confirmation officielle.

Le grand atout du bénévolat ? Les rencontres cosmopolites selon les participants (doc. remis)

À Rio, pas toujours dans le bon quartier

Après doutes et craintes, voici le temps des Jeux olympiques du 5 au 21 août. Les bénévoles sont attendus trois jours avant le début des épreuves. Le temps de recevoir leur panoplie complète (des chaussettes à la casquette) dans la cité de la Samba, quelques brèves instructions et de tester le temps de transport. Car Rio est une ville étendue sur 70 kilomètres et les sites sont disséminés, parfois loin de là où leur logement avait été réservé. Jérome Tschupp qui espérait participer au basket se retrouve au parc aquatique de Maria Lenk qui accueille le plongeon, la natation synchronisée et au water-polo :

« Même si les horaires étaient de 6 à 9 heures par jour, il y avait 4 heures aller-retour de trajet les bons jours, 5h30 les mauvais. Ce qui fait de longues journées. »

Comme Daniel Ackermann, placé au volley, il s’occupe de l’accueil du public. Son quotidien consiste à valider les tickets, surveiller l’extérieur et placer les spectateurs dans le stade parfois tout près du Prince du Monaco et du président du CIO. Des longs temps de trajet, Daniel Ackermann retient un aspect du positif :

« Les rencontres entre bénévoles ou avec les sportifs ne sont pas jamais courtes car les transports durent toujours 45 minutes à une heure. »

Les rencontres, bénévoles, supporter et athlètes, le bon plan pour se retrouver dans l’espace VIP au « club France » le soir (doc. remis)

Des couacs mais des rencontres

Quelques couacs ont émaillé l’organisation : des manques de bouteilles d’eau, des installations pas visitées avant de devoir y indiquer le chemin ou plus gênant des bénévoles qui ont déserté leur poste, « tout le monde n’est pas fait pour le bénévolat », regrette Jérôme Tschupp. Mais globalement, »5 minutes avant le début des épreuves tout arrivait à être en ordre », relativise Caroline Reys.

Ces désagréments ne viennent pas entacher le cœur de l’expérience : des rencontres avec des volontaires du monde entier et de tous âges, dont beaucoup de Brésiliens, ce qui n’a pas toujours facilité la communication. Parmi les 45 000 bénévoles au départ, seuls 200 à 300 étaient français.

En dehors des sites olympiques, la maison qu’avait loué Jérôme Tschupp est un lieu où l’ambiance olympique a perduré, puisque 16 à 18 volontaires l’ont partagée. Caroline Reys a passé davantage de temps avec sa logeuse Airbnb, une jeune avocate brésilienne qui lui a fait visiter la ville. Daniel Ackermman, qui logeait seul, a surtout sympathisé avec Eli Gomes, un bénévole brésilien rencontré au volley avec qui il a passé l’essentiel de ses journées.

La coloc internationale de Jérôme Tschupp entre bénévoles à Rio (doc. remis)
Daniel Ackermann avec son ami brésilien rencontré sur place, Eli Gomes (doc. remis)

Des temps de travail hétérogènes

En termes de disponibilité, tous ne sont pas autant sollicités. Caroline Reys, à l’organisation des courses cyclistes, n’a été sollicitée que 6 jours : deux pour les courses en ligne, deux pour les contre-la-montre et deux pour la partie vélo du triathlon :

« Pour les courses en ligne, je donnais des instructions au peloton. Au triathlon, je donnais les bidons lors de la partie cycliste. Ce n’est pas possible d’être davantage au cœur d’une course. »

Daniel a, lui, travaillé 13 jours sur 15 et Jérome 12 jours. Nos trois Alsaciens s’étaient rencontrés plusieurs fois avant mais se sont peu vus sur place.

Daniel Ackermann, au volley (doc. remis)

Du temps pour voir les épreuves

Justement, le temps de bénévolat détermine le nombre de billets reçus pour voir des épreuves pendant le temps libre. Caroline en a eu deux, mais a pu voir cinq autres épreuves pour 130 euros « dont la finale d’escrime où la France a gagné. » Daniel n’a pas déboursé d’argent. Présent plus souvent, il a eu des billets tous les trois jours :

« À l’athlétisme, c’était des places dans les trois premiers rangs, juste devant la piste. Des places à 250 euros. La cérémonie de clôture, c’était aussi un spectacle exceptionnel. »

Entre les bénévoles et pour que chacun puisse voir son pays jouer, les échanges ou reventes sont fréquents. Au fil des jours, il est aussi possible de récupérer des invitations non-utilisées auprès des fédérations. Pour l’ambiance, voir un match du Brésil est le moyen de vivre au mieux la ferveur olympique.

JO ou pas, il y a toujours un moment pour la plage (doc. remis)
Au club France on peut y rencontrer les médaillés le soir-même. Les athlètes y sont disponibles selon Caroline Reys (doc. remis)

Les grandes fêtes au « Club France »

Autre avantage des bénévoles, pouvoir côtoyer les athlètes dans les « maisons » des pays, dont le « Club France ». Les soirs de médaille, de grandes fêtes y sont organisées. Tous reviennent surpris par la disponibilité des athlètes, »même Teddy Riner ». La meilleure ambiance serait au stand Jamaïcain, même si Usain Bolt n’y a pas été aperçu.

Depuis Rio, les bénévoles n’ont pas eu le sentiment que les Brésiliens ne se passionnaient pas pour les Jeux olympiques. Mais ils sont conscients qu’ils étaient au cœur de l’événement, ce qui déforme le regard qu’ils peuvent avoir.

En attendant les cyclistes (doc. remis)

Escapade dans une favela

Malgré la ferveur dans les stades et à la plage de Copacabana, Caroline Reys et Jérome Tschupp ont aussi trouvé le temps d’aller dans les quartiers défavorisés, ceux qui n’ont pas bénéficié des Jeux. Jérome Tschupp raconte ce souvenir :

« On voulait donner quelque chose en retour au Brésil. Les Jeux ont aussi apporté des ennuis aux favelas, avec des expulsions. Avec l’ONG Humanitarian Sports dont je suis membre et en lien avec des associations sportives brésiliennes sur place, on a pu organiser trois moments de rencontre pour des dons de t-shirt ou de ballons pour favoriser la pratique du sport, grâce à nos différents sponsors. Des fonds ont été récoltés pour un jour construire un gymnase. L’accueil a été très bon. »

Les souvenirs

Ces deux semaines (Jérôme Tschupp est resté un mois et demi), qui ont nécessité un budget de 3 000 à 4 000 euros vont laisser des souvenirs éternels. Alors quand tout est fini, il y a quelques moments difficiles :

« Le plus dur c’était dans l’avion, au moment du retour, alors la France jouait sa finale de handball. Mais après, cela donne une énergie nouvelle pour la suite », estime Caroline Reys. « Je ne réalise que maintenant tout ce que j’ai vécu. J’ai dit à mon fils qui a une vingtaine d’années qu’il doit vivre un événement pareil dans sa vie », complète Daniel Ackermann.

Avec le recul, Jérôme Tschupp pense que c’est important de raconter son expérience :

« J’avais un peu de temps libre avant de terminer mes études, c’était le moment ou jamais. Par les temps actuels, cela faisait du bien de montrer qu’on peut vivre tous ensemble, même si on est différents. »

De là à repartir à Tokyo pour les prochains JO en 2020 ? « Pourquoi pas », répondent-ils, mais c’est trop tôt pour le dire. En attendant, les discussions entre nouveaux amis se poursuivent via Whatsapp et autres réseaux sociaux. Certains ont promis de se revoir.

« Avec des amis nous avons voulu faire une photo qui puisse montrer qu’on peut tous vivre ensemble qu’importe notre origine, c’est pourquoi nous avons tous échangés nos drapeaux : 2 Français, 1 Argentin, 2 Lituaniennes et 1 panaméen » Jérome Tschupp (doc remis)

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