Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

La dynamique Macron tente de créer des bastions à Strasbourg

Feu de paille ou nouveau courant politique en France ? Le mouvement « En Marche » autour de l’ancien ministre de l’Économie Emmanuel Macron commence à s’ancrer Strasbourg.

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Les Strasbourgeois les plus connectés à la politique locale vont bientôt recevoir des invitations sur les réseaux sociaux pour participer aux premières réunions des groupes locaux d’En Marche, le mouvement politique de l’ancien ministre de l’Économie Emmanuel Macron. Une première réunion tenue chez le référent d’En Marche dans le Bas-Rhin, Bruno Studer, a réuni mercredi soir dernier une quinzaine de personnes prêtes à co-animer ces mini-structures locales.

Former les adhérents

Le but de cette entrevue ? Apprendre à gérer une réunion. Se présenter, discuter, décider quelque chose, remercier, etc. Chez En Marche, on parlera de « convergence » et pas de « consensus », le terme jugé trop mou et Emmanuel Macron n’aime pas quand c’est mou. « Dans les partis politiques traditionnels, on ne forme plus les gens. Les réunions ne servent qu’à discuter des investitures et soutiens », se décourageait jusque-là Bruno Studer, ancien adhérent de l’UDI.

Ce professeur d’histoire géographie avait rendu sa carte avant la création d’En Marche. Le mouvement d’Emmanuel Macron lui a donné envie de reprendre un engagement politique. Il estime que 20% des adhérents d’En Marche sont issus d’un parti politique, du Parti socialiste (PS), du centre et de « Les Républicains ». Pour les autres, c’est un premier engagement.

Créer des bastions

Le nombre de groupes est encore à déterminer comme l’expose Bruno Studer lors de la réunion :

« Je pense qu’il faut être présent sur au moins les trois codes postaux de Strasbourg : le 67000(le centre, le nord et l’est), 67100 (les quartiers sud) et 67200 (les quartiers ouest) et peut-être plus. C’est possible d’être plusieurs animateurs pour un groupe et de se regrouper ponctuellement. Ce n’est pas figé. »

D’autres bénévoles se sont proposés pour monter des antennes à Wissembourg, Saverne ou Colmar. À Strasbourg, on peut imaginer des sections à l’échelle de quartiers. L’objectif est de créer les futurs bastions d’électeurs et de militants. Pour le moment, le mouvement En Marche – qui revendique plus de 80 000 adhérents soit autant que le PS – est surtout concentré dans les villes. Dans les capitales étrangères (Berlin, Londres, New York), des groupes sont aussi mis en place. Et même si Emmanuel Macron devait se défiler, on parle deja de futures élections municipales de 2020 à la réunion bas-rhinoise.

A Strasbourg, Emmanuel Macron a passé beaucoup de temps avec les journalistes (photo JFG / Rue89 Strasbourg / cc )

Un grand décalage

Rencontrer ces premiers militants révèle un grand décalage entre leurs aspirations et la perception médiatique du mouvement de l’ancien ministre. Pour l’un d’entre eux, En Marche n’est pas une histoire « de culte de la personnalité » :

« Je m’intéresse depuis toujours à la politique mais je ne voulais pas entrer dans un parti où les positions sont toutes décidées à l’avance. Je suis par exemple plutôt contre les 35 heures, mais je suis prêt à entendre les arguments en leur faveur. »

Des positions arrêtées peut-être pas, mais Emmanuel Macron a déjà tracé des lignes assez claires comme de transférer davantage d’activités de l’État à des associations et au secteur privé. Du moins, « c’est une idée, un axe de travail » a dit le potentiel candidat.

En attendant d’entrer dans un programme concret, bien qu’Emmanuel Macron ait dit qu’un président devrait se contenter « de dix à douze engagements », En Marche se revendique donc d’une série de valeurs : « on aime la liberté, on est européen, on est progressiste », explique Bruno Studer. Des valeurs présentes à gauche et à droite, mais pas partagées dans les mêmes largeurs par chaque parti.

L’attrait du renouvellement

Point plus consensuel, Emmanuel Macron incarne un renouvellement pour ses soutiens. Sa tirade la plus applaudie lors de son meeting à Strasbourg ? « Peut-on imaginer sérieusement commander aux destinées du pays ou simplement se présenter au suffrage des Français alors que sa probité personnelle a été mise en cause ? […] Peut-on imaginer sérieusement commander aux destinées du pays, se présenter au suffrage du pays, alors qu’on a délibérément dépassé le plafond des dépenses autorisées pour sa campagne ? » Deux torpilles à l’encontre d’Alain Juppé et Nicolas Sarkozy.

« Ceux qui échouent, partent, ça a été dit ici lors du porte à porte à Strasbourg et Macron l’a repris dans son diagnostic ! », s’enthousiasme Geoffrey qui a participé à « la Grande Marche » à Strasbourg au printemps et durant l’été. Certes, mais pour le moment « c’est un peu démagogique car il est difficile d’être contre ce qu’il dit », notait un participant du meeting du 4 octobre.

Contrairement à ce qui a pu être dit à la radio, Emmanuel Macron avait bien plusieurs prompteurs lors de son meeting (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Au PS, on reste prudent

Côté PS, une certaine mesure est de mise tant l’avenir est incertain en raison des différentes échéances (voir encadré). À écouter les militants, le cas Macron n’est pas au cœur des interrogations et le clivage droite-gauche a encore du sens. Parmi les « grands élus » alsaciens, seule la sénatrice haut-rhinoise Patricia Schillinger affiche son soutien depuis le début :

« J’apprécie sa jeunesse, son ouverture et sa manière de faire. Au PS, tout le monde voulait qu’il parte du gouvernement et maintenant qu’il n’est plus là, on l’accuse de trahison. Dès les premiers jours, il y a eu 450 inscrits dans le Haut-Rhin. C’est bien plus qu’au PS (150 militants, ndlr), qui arrive surtout à réunir des fonctionnaires désormais. Il faut des militants pour mener une campagne. Au PS, les personnes modernes n’arrivent plus à se mettre d’accord comme avant autour de Dominique [Strauss-Kahn]. Manuel Valls et d’autres ne sont pas venus au sommet des réformistes organisé à Lyon par le maire Gérard Collomb, juste par ce qu’il y avait Macron. Le citoyen lambda ne veut plus de ces guerres. »

Drôle de balade dans Strasbourg

Le maire de Strasbourg Roland Ries (PS), après avoir été aperçu au premier rang du premier meeting d’Emmanuel Macron en juillet, n’est pas venu à celui à de Strasbourg pour la première de ses trois étapes de « diagnostic’. « J’avais à accueillir mon ami Emmanuel Macron, Je ne veux pas préjuger de la suite et je veux rester membre du Parti socialiste », a-t-il justifié à une forêt de micros, lors d’une déambulation l’après-midi de la place de la Bourse au Shadok qui a tourné court. Entouré d’un cinquantaine de journalistes, l’ex-pensionnaire de Bercy s’arrêtait à chaque pas pour répondre aux questions, tandis que des passants étaient rabattus vers Emmanuel Macron par son équipe.

Arrivés sur la presqu’île Malraux, Roland Ries a passé le relais à son premier adjoint Alain Fontanel qui se présente alors « en simple adjoint à la Culture. » Il est ancien secrétaire national aux Fédérations et bien sûr potentiel candidat à la mairie en 2020. La rencontre n’a pas été partagé sur sa page Facebook, contrairement à beaucoup de ses actions de terrain.

Emmanuel Macron accueilli par Géraldine Farage la directrice du Shadok. Le potentiel candidat est accompagné du premier adjoint au maire de Strasbourg, Alain Fontanel (photo JFG / Rue89 Strasbourg / Flickr cc)

Centristes et un adjoint PS au meeting

Néanmoins, une partie des membres du cabinet du maire étaient présents au meeting du 4 octobre ainsi qu’Olivier Bitz, adjoint à qui le maire confie de plus en plus de nouveaux dossiers chauds (bains municipaux, déradicalisation, rénovation des quais et depuis lundi 9 octobre le dialogue avec la CCI) en plus de ses attributions aux Finances, aux Cultes et du quartier Esplanade-Krutenau.

Olivier Bitz indique qu’il était là « à titre personnel et pour écouter » :

« La gauche à vocation à se rassembler au premier tour de l’élection présidentielle et pour cela il faut s’écouter. J’y suis allé comme je vais à d’autres réunions à gauche. Sa démarche sur le renouvellement m’intéresse comme celle sur la recomposition des clivages politiques. Rocard parlait bien d’un nécessaire « bing bang ». Les clivages actuels sont historiques, mais notamment sur l’Europe et les questions économiques il faut se poser des questions. Il faudrait être aveugle pour croire que les Français sont satisfaits de la manière dont le débat politique est organisé. Même si au niveau local on voit que cela peut être différent. Les écologistes sont par exemple alliés avec nous car il y a une démarche locale qui rassemble plus de sensibilités. »

La forme rappelle Ségolène Royal

Sur la forme, le meeting ressemblait à ceux de Ségolène Royal en 2007, avec des prises de parole d’inconnus et des  personnes assises en carré, et non autour de lui. Un ancien adhérent du PS élu à Vendenheim, et qui a rejoint En Marche, dit qu’il y a retrouvé des ségolénistes et que la démarche ressemble « en tous points » à celle de Désirs d’avenir, l’association hors du PS de soutien à Ségolène Royal. À l’époque, la campagne de Ségolène Royal présentait une certaine modernité, à défaut de l’avoir emporté.

Dans les rangs, beaucoup de centristes comme la conseillère départementale Pascale Jurdant-Pfeiffer ou Laurent Py, de nouveau investi candidat par l’UDI sur la première circonscription du Bas-Rhin pour les élections législatives de juin 2017. Officiellement, 600 élus UDI (dont Pascale Jurdant-Pfeiffer) ont néanmoins pris position pour Alain Juppé (LR) depuis.

Les parlementaires PS très critiques

Les trois parlementaires bas-rhinois du PS, Jacques Bigot, Philippe Bies et Éric Elkouby ont tous indiqué que même s’ils avaient été à Strasbourg le jour de son meeting (il s’agissait d’un mardi, un jour de travail au Sénat et à l’Assemblée), ils n’y seraient pas allés. Le plus offensif a été Philippe Bies, qui qualifie Emmanuel Macron de « produit marketing dont on ne connait pas le programme » :

« Revendiquer autant d’adhérents quand donner une adresse e-mail suffit pour adhérer n’est pas sérieux. Des gens ont déjà lâché prise (depuis le printemps, ndlr). On verra le jour où l’engagement militant sera financier et en temps. »

« Ce qui nous divise nous affaiblit », ajoute Éric Elkouby. Même écho pour Jacques Bigot pour qui le clivage droite et gauche a toujours du sens, même si des accords, comme à la tête de l’Eurométropole peuvent se justifier. Notons tout de même qu’aucun des élu PS bas-rhinois n’a voté contre les lois du même Emmanuel Macron, aujourd’hui houspillé.

Les premières réunions, premier thermomètre

Mais ces positionnements semblent peu affecter les néo-marcheurs strasbourgeois. « La force d’en Marche ce sont ses adhérents », tonne Bruno Studer. Certes, mais il faut aussi 500 parrainages d’élus pour se présenter à l’élection présidentielle et Emmanuel Macron n’a pas épargné la classe dirigeante lors de son meeting.

La fréquentation des premières réunions en octobre-novembre donneront donc un bon aperçu de la situation pour déterminer si « En Marche » est une course dynamique ou, comme sur les bords de la presqu’île Malraux, composée de petits pas.


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