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Conseil citoyen : une couche de plus à la démocratie participative

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Les conseils citoyens vont être greffés aux conseils de quartier. (Eurométropole/cc)

Dans le mille feuille des dispositifs citoyens, une nouvelle instance viendra se rajouter au premier trimestre 2016. Le Conseil Citoyen, créé par l’État en 2014, oblige les villes possédant des quartiers prioritaires (QPV) à se doter d’une assemblée, constituée d’habitants et d’acteurs locaux ou associations pour « participer à la vie de son quartier ». Une définition ambitieuse, mais qui ressemble fortement à celle des conseils de quartier, mis en place à Strasbourg depuis 2008.

En 2014, le contrat de ville, qui définit la politique dans les 10 grands quartiers de Strasbourg jusqu’en 2020, fait mention d’une nouvelle institution: les conseils citoyens. Ces mini-assemblées de démocratie participative ont pour ambition d’inclure les habitants des 13 quartiers prioritaires de la ville (QPV) à la politique de leur lieu de vie. C’est une loi de la même année qui oblige la création de cette nouvelle instance.

Le cadre qu’elle fixe est moins contraignant que consultatif. Libre aux villes de s’organiser comme elles le veulent (ou le peuvent) afin de respecter les caractéristiques : la participation d’habitants du quartier et d’associations ; un tirage au sort pour désigner des citoyens mais aussi des volontaires et une autonomie face aux pouvoirs publics.

À Strasbourg, l’Eurométropole a choisi de greffer ces conseils citoyens aux conseils de quartier, dispositifs crées en 2008. Leur existence résulte d’une autre loi, qui elle date de 2002, qui exigeait déjà de mettre en place des instances locales pour « favoriser le dialogue entre citoyens et collectivités ». Un pouvoir purement consultatif qui a été confié aux 10 conseils de quartier strasbourgeois (voir carte).

Dans ces conseils de quartier, les participants planchent en trois étapes sur une problématique en passant par une phase d’information, puis un débat et enfin, une contribution (qui peut prendre la forme de synthèse préconisations, cahier des attentes …). Leur impact réel est parfois critiqué car la décision finale revient aux élus.

À Strasbourg, les quartiers affichent une grande diversité. (DUAH/GCT/B.Soulet/cadre du contrat de ville de l’eurométropole/cc)

Les conseils citoyens se concentreront sur quelques sujets prédéfinis comme le font déjà les conseils de quartier avec « l’insertion », la « mobilité » ou le « mieux-vivre ensemble » par exemple.

Mathieu Cahn, vice-président de l’Eurométropole de Strasbourg en charge de la Politique de la ville, explique le choix de mêler les deux dispositifs :

« Le conseils citoyens ne sont pas une révolution pour nous. Il n’y a pas de grande différence entre ceux-ci et les conseils de quartier. Ils ont été crées pour des villes qui n’ont pas l’habitude de la participation citoyenne. C’est une obligation de l’État mais c’était déjà habituel à Strasbourg. Tout le travail pour nous, sera de développer le nombre, la typologie et la diversité sociale dans ces conseils. »

Anouk Brocard, cheffe de projet des conseils de quartier à l’Eurométropole, vient de clôturer les candidatures pour les futurs conseils citoyens. Si certaines arrivent encore avec du retard, elle comptabilise 169 demandes d’habitants dont 106 qui viennent de quartiers prioritaires de la ville et 55 demandes d’associations et acteurs locaux.

Mais la constitution des listes des conseils citoyens est bien plus complexe. Le nombre de participants n’est pas limité. La seule obligation est de compter plus d’habitants que d’associations. Des citoyens ont également été tirés au sort sur les listes électorales et les membres des conseils de quartier peuvent très bien glisser vers les conseils citoyens, s’ils le souhaitent.

Strasbourg et l’évolution des quartiers prioritaires de la ville. (CUS/DUAH/S.Géomatique/Etude et Usage de l’IG/cadre du contrat de ville de l’Eurométropole/cc)

« On nous donne un os à ronger »

Au sein des actuels conseils de quartier, l’avis quant à la venue de ces nouvelles instances citoyennes est plutôt mitigé. Bien que convaincus par le bien-fondé des processus de démocratie participative, les habitants affichent souvent un désabusement.

Jacques Gratecos, président de l’ADIR (Association de Défense des Intérêts de la Robertsau ) et membre du conseil de quartier de la Robertsau, explique son désenchantement :

« Cela fait deux ans que j’ai intégré le conseil de quartier et j’ai arrêté d’aller à toutes les réunions en voyant le fonctionnement. Deux pôles de réflexion nous ont été imposés, comme si nous n’étions pas capables de dire nous-même ce que nous souhaitions faire. Le problème, c’est que les élus pensent avoir plus de légitimité que les habitants, or, ce sont eux qui connaissent mieux les usages de leur quartier. »

Jacques Gratecos en est venu à se questionner sur la viabilité d’une démocratie participative, s’appuyant sur des exemples passés. Les membres du précédent conseil de quartier avaient établi un cahier des attentes concernant la création d’un agro-quartier à la Roberstau. Il précise :

« Ce qu’il en est advenu ? Mystère et boule de gomme ! On nous dit que c’est sur les rails mais on attend toujours. On nous donne un os à ronger en fait. Je ne pense pas que l’on ait trouvé la recette pour faire fonctionner la démocratie participative, que ce soit ici, où ailleurs d’ailleurs. Ce n’est souvent qu’un sentiment de démocratie mais il faudrait que les élus s’appuient sur ce que disent les habitants. »

Aucun pouvoir décisionnel

Le constat est le même du côté du conseil de quartier du Neudorf-Musau-Port du Rhin, décliné en trois comités géographiques. Celui du Port du Rhin se réunit plusieurs fois par mois. En 2016, ce groupe se transformera en conseil citoyen. Leyla Binici, l’une des membres, a pris la nouvelle positivement, bien qu’elle avoue ne pas vraiment saisir ce que cela va changer :

« Le problème, c’est que nous n’avons pas de pouvoir décisionnel. On ne fait que transmettre des informations et ça frustre pas mal de membres du conseil. Il y a des successions de réunions mais rien n’aboutit. Évidemment, les problématiques comme l’énergie, l’emploi ou le logement ne peuvent pas avoir de résultats immédiats mais il faut tout de même du concret. »

Interrogée, l’habitante, qui se revendique « convaincue par la démocratie directe », est incapable de citer un projet qui aurait abouti après avoir été étudié au sein de son conseil de quartier.

L’entre-soi ?

L’un des enjeux de ces nouveaux conseils citoyens sera de trouver une composition un peu plus hétérogène que celle des conseils de quartier, déjà existants. « Un pari » pour la ville qu’explique Anouk Brocard, cheffe de projet des conseils de quartier :

« Le public est différent de celui des conseils de quartier puisque l’on souhaiterait ouvrir, toucher des personnes qui n’ont pas forcément l’habitude de la participation citoyenne. Aujourd’hui, même si on essaie de diversifier le public, ce sont plutôt des personnes de catégories socioprofessionnelles supérieures qui constituent les conseils de quartier, des personnes qui ont l’habitude du dialogue public… À part à Neuhof-Meinau, ce ne sont pas des habitants des quartiers prioritaires. D’où l’importance de créer un dialogue, d’être à l’écoute des attentes des gens. »

La diversité socio-démographique est également présente. (DUAH/GCT/B.Soulet/INSEE/Cadre du contrat de ville de l’eurométropole/cc).

Sylvain Bedouet, habitant du quartier des Poteries, a assisté à trois réunions du conseil Cronenbourg, Hautepierre, Poteries, Hohberg en tant que volontaire. Le jeune homme est vivement intéressé par les procédés de démocratie participative et ne jure que par une nouvelle politique « faite avec des experts et basée sur la voix des habitants ».

Mais lorsque celui-ci décrit les trois réunions auxquelles il a assisté, le constat montre une faible diversité sociale :

« J’ai fait partie de la commission « Mieux vivre ensemble ». Nous étions une dizaine d’habitants à chaque fois. Notamment beaucoup de retraités et des personnes déjà engagées dans le monde associatif ou religieux. C’est dommage qu’il n’y ait pas plus de monde, des représentants de minorités par exemple ou des jeunes. »

Pour candidater aux conseils citoyens, il ne fallait pas donner son âge, seulement son lieu de vie. Aucune statistique sur les futurs membre n’est donc réalisable pour le moment. Et si le contrat de ville prévoit un « mandat » jusqu’en 2020 pour les participants, l’Eurométropole réfléchit à raccourcir les durées d’engagement, pour peut-être attirer plus de bonnes volontés.

Pour l’heure, les listes seront envoyées au préfet mi-janvier et le lancement des conseils est fixé à la fin du mois de février, début du mois de mars 2016.


#Conseils citoyens

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