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Avec Fivory, le Crédit Mutuel tente d’imposer le paiement mobile à Strasbourg

Après une expérimentation d’un an à Boulogne-Billancourt près de Paris, le Crédit Mutuel a choisi Strasbourg pour déployer sa solution de paiement par téléphone portable, Fivory. Une importante opération de communication est en cours, car Fivory doit s’imposer partout pour exister.

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La page d’un magasin de thé de Strasbourg sur Fivory affiche ses promotions, ses horaires et son programme de fidélité dédié (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)

Les téléphones portables vont-ils parvenir à détrôner les billets et les pièces pour payer le pain ? C’est l’ambition de Fivory, une filiale du Crédit Mutuel qui teste depuis plus d’un an un système de paiement et de fidélisation via une application mobile.

Le défi est de taille, car les pièces de monnaie sont utilisées avec bonheur par l’humanité depuis le VIIe siècle avant J.C. pour régler les achats. Il aura fallu une trentaine d’années pour installer la carte bancaire en France. Quant au porte-monnaie électronique Monéo, lancé en 1999, c’est un retentissant échec. Même Google et Apple s’aventurent doucement sur ce segment, qui collectionne les révolutions mortes-nées. À Strasbourg, pourtant en pointe sur le paiement mobile, les applications permettant de payer l’abonnement CTS ou le stationnement ne sont utilisées que par une poignée de personnes.

Bilan mitigé à Boulogne-Billancourt

Mais il en faut plus pour décourager le Crédit Mutuel, qui va proposer Fivory à Strasbourg officiellement le 6 juin. La banque fédérative a investi beaucoup d’argent dans cette opération d’envergure, car elle est très en retard sur son plan de déploiement. En mai 2014, elle se donnait six mois de test à Boulogne-Billancourt dans la banlieue parisienne avant d’étendre ce service aux grandes villes françaises à la fin de l’année.

Car changer les habitudes des commerçants et des clients prend plus de temps, beaucoup plus de temps. Sur les quelques 1 900 commerces de Boulogne-Billancourt, à peine 150 ont opté pour Fivory. Et pour Jean-Philippe Robert, le président de l’association des commerçants de la ville, l’Ucabb, Fivory est un échec :

« Je n’entends plus parler de Fivory. Il faut dire que ça a été une vraie galère au début. Et puis les commerçants se sont rendus compte que ça ne leur apportait rien du tout, ils n’avaient aucun retour. Ça fonctionne avec Internet, c’est séduisant mais ça exclut toute une partie des gens. »

« Pour que les petits commerçants accèdent aux téléphones portables »

Bon, mais à Strasbourg, ça va marcher, c’est sûr. Le directeur des Vitrines de Strasbourg, Pierre Bardet, croit au concept :

« Fivory est bien plus qu’un simple système de paiement, c’est tout un écosystème de la relation client, qui inclut un programme de fidélisation et des outils marketing. On le recommande aux commerçants de Strasbourg parce que c’est le seul moyen pour eux d’avoir accès aux téléphones portables des gens, un accès dont disposent déjà les grandes marques qui envoient des sms avec leurs promotions ou lorsque des clients potentiels passent à proximité de leurs enseignes. Une centaine de commerces à Strasbourg proposeront Fivory dès son lancement, et d’autres annonces d’envergure sont prévues en septembre. »

Du côté des commerçants, on tente souvent l’expérience sans en attendre des miracles. Pour Michaël Montouliou, qui a repris Charlie & Co, un magasin de vêtements pour enfants à la Robertsau il y a quelques mois, Fivory est l’occasion de se faire connaître :

« Je n’ai pas encore de site Internet, Fivory permet d’avoir un pied dans les nouvelles technologies. Et puis c’est gratuit pendant la phase de lancement jusqu’en octobre et sans engagement, je ne risque donc pas grand chose à essayer. Ils m’ont juste fortement recommandé de faire une promotion de 25% le samedi 13 juin, mais je fais ce que je veux. »

Même état d’esprit pour Christophe Lehmann, gérant de l’opticien Meschenmoser :

« Je vois bien comment on évolue avec les smartphones, qui sont de plus en plus utilisés. Donc même si payer par Fivory est pour l’instant plus compliqué qu’avec une carte bancaire, c’est l’avenir, il faut tester. Ça ne me gêne pas trop que Fivory garde pour lui les coordonnées des clients. On les a de toutes façons grâce aux dossiers que nous constituons sur nos clients pour leurs lunettes de vue, qui représentent la vaste majorité de nos ventes. Le principal intérêt pour nous, ce sera les promotions, qui devraient nous aider à capter de nouveaux clients. »

Laurent Zentz, qui tient la boutique de vêtements urbains Goodvibes grand’rue, est plus critique :

« Les banquiers, on les connaît. Le système sera totalement dévoyé lorsque les gros distributeurs l’utiliseront. Nous, on y est pour en profiter le temps du lancement, mais je pense qu’au bout d’un moment, on ne sera plus visible dans les listes de commerces et il faudra de nouveau qu’on compte surtout sur notre relationnel et notre savoir-faire pour continuer. »

Pour l’instant, une trentaine d’enseignes sont affichées pour Strasbourg, presque toutes prêtes à des rabais de 10 à 25% sur leurs prix pour l’occasion. Fivory n’a rien laissé au hasard, puisque l’entreprise a envoyé des photographes professionnels et des rédacteurs chez les commerçants pour qu’ils puissent remplir leurs galeries virtuelles. Être le nouvel opérateur de paiement du commerce de proximité est intéressant, mais ce qui l’est plus encore, c’est de disposer des données et des habitudes de consommation de millions de personnes. La startup du Crédit Mutuel n’en est qu’à ses débuts… Se réservant pour son plan de communication, Fivory a refusé de répondre à nos questions.


#Crédit Mutuel

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