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Airbnb à Strasbourg : la ville réglemente mais le marché prospère

Il n’y avait quasiment rien il y a trois ans, et aujourd’hui, plus de 3 000 annonces proposent des nuits dans des appartements sur Airbnb à Strasbourg. Face au nombre croissant de particuliers et professionnels qui font de la location de meublés une entreprise, l’Eurométropole a voulu réglementer. Mais la dynamique semble durer, surtout à l’approche du Marché de Noël.

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« Chambre au cœur de la petite France », « Appartement exceptionnel à Kléber », « Charmant studio en plein centre » : c’est ainsi que de nombreux propriétaires veulent attirer le touriste cherchant à se loger à Strasbourg en utilisant Airbnb, le site de location de logements meublés.

À Strasbourg, la hausse a été exponentielle, le nombre d’annonces sur la plateforme étant passé d’environ 1 000 logements à plus de 3 000 aujourd’hui, pour des biens allant d’une vingtaine d’euros la nuit à près de 200€. A tel point que la municipalité a décidé de réglementer le secteur, craignant notamment une concurrence pour les hôtels, mais aussi pour les logements classiques.

De nombreuses annonces Airbnb proposent un logement à la Petite France (Photo Anne Arnould/visualhunt/cc)

Strasbourg s’attaque aux dérives

La Ville a ainsi mis en place des règles limitant le nombre d’appartements par propriétaire, et imposé à Airbnb de collecter la taxe de séjour à son profit. Le premier adjoint (PS) au maire, Alain Fontanel, détaille le point de vue de la municipalité :

« On n’a rien contre les meublés touristiques, mais quand ce n’est pas régulé, cela a des effets pervers : les multi propriétaires qui achètent et spéculent, ceux qui transforment un immeuble entier en location touristique, qui changent la face d’un quartier, ça ne nous va pas. En deux ans, il y a eu une hausse de 1 000 logements mis en location Airbnb, et nous, nous avons construit 2 000 logements. »

Pourtant, Jacques Lavie, de BnbLord, une société de gestion de logements placés sur Airbnb, nuance :

« D’après notre étude du marché strasbourgeois, le nombre de locations a doublé depuis un an, mais sur les 3 000 annonces présentes sur le site, seules 1 400 sont vraiment actives, donc gérées activement et régulièrement par le propriétaire. »

L’objectif de la Ville de Strasbourg est aussi de mettre de l’ordre dans le marché, en clarifiant les obligations légales des gestionnaires de meublés, et en encadrant leur activité.

Studio, chambre, appartements, loft, tout se loue sur Airbnb (Photo jswinetours/jscitytours/visualhunt/cc)

Une taxe de séjour et un nombre limité d’appartements

Ainsi, depuis cet été, Airbnb collecte une taxe de séjour de 0,55€ par logement et par nuitée, au profit de la Ville. Une nécessité, d’après Alain Fontanel :

« Jusqu’à maintenant, moins de 500 logeurs avaient déclaré leur situation, et à peine une cinquantaine s’acquittait de la taxe de séjour ».

La ville a alors fait un rappel : tout locataire ou propriétaire peut proposer une location meublée saisonnière, mais une personne qui loue un logement plus de 120 jours par an doit demander une autorisation de changement d’usage, depuis la loi ALUR (Accès au Logement et un Urbanisme Rénové) de 2014. Ce régime veut que dans toutes les villes de plus de 200 000 habitants, l’utilisation d’un local d’habitation pour une activité professionnelle soit soumise à autorisation préalable.

Et le nouveau règlement municipal apporte des conditions à la délivrance de cette autorisation : les propriétaires seront tenus de ne mettre en location Airbnb pas plus de deux appartements, pour une durée de 9 ans maximum. Enfin, ils doivent remplir des obligations fiscales, selon le degré d’activité : déclaration d’activité, déclaration de revenus, ou versement de la Cotisation Foncière des Entreprises.

Pour contrebalancer activement la perte potentielle de logements destinés à l’habitation, la Ville de Strasbourg met en place une règle de compensation, comme l’explique Alain Fontanel :

« Le multi propriétaire doit montrer qu’il équilibre le marché : à partir du 3e meublé, il doit transformer des bureaux en logements d’habitation. Et pas plus de la moitié d’un immeuble ne peut être constitué de meublés touristiques. »

Pédagogie, contrôles et amendes

Pour faire respecter les nouvelles mesures, la ville se veut d’abord accompagnante, et estime qu’il y a de nombreux logeurs qui ne connaissent pas leurs obligations, comme le dit Alain Fontanel :

« Une partie de la communication de la Ville autour de la réglementation est un simple rappel des obligations légales. Il y a beaucoup de gens de bonne foi qui ne respectent pas les règles. »

Mais la ville estime aussi que « d’autres agissent en connaissance de cause du fait de l’absence de sanctions réelles ». En attendant, certains ont encore du mal à s’y retrouver. Laurent loue une chambre de son appartement sur Airbnb et ne sait pas trop quoi penser :

« Je trouve cela normal que l’on paye maintenant la taxe de séjour. Mais la Ville m’a contacté pour me mettre en garde, me dire qu’il y aurait des sanctions si je ne me déclarais pas en mairie, mais sans m’expliquer la réglementation et les conditions. Depuis, je n’ai plus eu de nouvelles, je ne suis pas sûr des démarches à suivre. Mais si cela devenait trop compliqué, je devrai peut-être arrêter la location. »

Désormais, on souhaite faire respecter le nouveau cadre légal à coups d’amendes : 25 000€ pour celui qui ne fera pas le changement d’usage, et 750€ en cas de non déclaration à la mairie (hors résidences principales). Laurent pense que le durcissement des règles peut être décourageant :

« J’ai conseillé à des amis qui voulaient mettre plusieurs appartements en location de ne pas se lancer là-dedans. Cela aurait pu être bénéfique il y a quelques années, mais maintenant ça ne vaut plus le coup ».

Des inspecteurs seront chargés de se rendre sur place, auprès des logeurs, et de vérifier qu’il n’y a pas de fraudes. Ces contrôleurs assermentés démarrent bientôt, assure Alain Fontanel :

« Ce n’est plus qu’une question de jours, nous voulons procéder aux contrôles avant la période du Marché de Noël ».

C’est que la marque Strasbourg, Capitale de Noël, attire le touriste, et est une aubaine pour ceux qui veulent proposer leur logement à la location.

Une attractivité à toute épreuve ?

La dynamique Airbnb à Strasbourg ne semble pas vouloir s’arrêter. C’est la capitale alsacienne qu’a choisi la société BnbLord pour ouvrir sa première antenne régionale. S’occupant de la gestion d’une centaine d’appartements sur Paris, Jacques Lavie, un des cofondateurs, explique l’attractivité de la ville :

« Il n’y a pas de saisonnalité, la ville est visitée toute l’année ! En plus c’est la capitale de l’Europe, et elle est bien placée et bien agencée. Strasbourg est très bien pensée d’un point de vue logistique et transports. Le tram qui mènera directement en Allemagne est aussi un vrai plus ! ».

Les effets à long terme de la nouvelle réglementation seront visibles dans les prochains mois, mais pour l’instant, on trouve encore sur Airbnb de véritables petites entreprises de location, certaines se présentant même comme auberge. Plus de particulier ou de prénoms, on loue ici chez “Elovution House” ou “Planet Strasbourg”, et chaque chambre ou dortoir a sa propre annonce, parfois son propre nom, comme à l’hôtel (“Right Room”, “Van Gogh Room”)… Même les particuliers en font une véritable activité, certains proposant le petit-déjeuner, d’autres la navette pour l’aéroport, etc.

Un marché rentable pour les loueurs, avec plusieurs centaines d’euros par mois

Les propriétaires strasbourgeois auraient tort de se priver de louer leur bien en Airbnb. D’après une étude de marché de BnbLord, le bénéfice peut être meilleur qu’à Paris :

« Faire du Airbnb à Strasbourg est particulièrement rentable car les prix à la nuitée sont peu ou prou ceux de Paris. A contrario, le prix du mètre carré à la location est de 28,53€ le mètre carré à Paris et de 13,23€ à Strasbourg, soit près de deux fois inférieurs ! ».

Et les strasbourgeois semblent mettre tous leurs biens à profit, comme le constate la start-up, qui se veut aussi société de conseils pour optimiser la location :

« Les strasbourgeois s’avèrent bien plus ouverts à la location d’une chambre privée dans leur appartement [que les parisiens] ! Et ils ont raison, puisqu’une chambre se joue à la journée 41€ en moyenne par jour soit 50% de moins qu’un studio seulement. Un propriétaire  strasbourgeois peut donc escompter générer entre 700 et 1200€ euros par mois en la louant à l’année par Airbnb ».

L’aspect financier n’est pas le seul avantage qui motive les loueurs comme Laurent :

« Bien sûr je fais ça aussi par besoin financier. Mais c’est surtout beaucoup de rencontres, beaucoup de contacts qui durent! »

Le Marché de Noël, la haute saison pour Strasbourg (Photo notfrancois/vsualhunt/cc)

Monter les prix en haute saison

En plus, les prix peuvent gonfler selon la période. BnbLord a choisi son timing, venant s’installer en vue des fêtes de fin d’année, comme l’explique Jacques Lavie :

« Au moment du Marché de Noël, les prix peuvent facilement doubler voire tripler ».

Laurent profite d’autres périodes aussi :

« J’accueille régulièrement des assistants parlementaires lors des sessions à Strasbourg. Cela me fait facilement 3-4 nuits par mois ».

D’après l’étude de BnbLord, le prix moyen d’une nuitée louée en décembre sur Airbnb à Strasbourg s’élève à 135€. Il ajoute que les prix augmentent aussi fortement lors des sessions parlementaires du Parlement Européen, et insiste sur le fait que tout les pousse à s’installer durablement à Strasbourg :

«  On y gère déjà une dizaine de logements, mais on compte bien accroître notre activité ».

Un peu à l’inverse de ce que la Ville recherchait.


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